J'imagine que vous pensez que je vais parler de l'ami que j'ai depuis plus de vingt ans et avec lequel je passe la plupart de mon temps. Ou que je vais parler de l'ami d'enfance avec lequel j'ai été élevé. Ou de ce collègue de bureau qui ne cesse de m'inviter chez lui pour prendre un verre.
Eh bien, non. Cet ami est LE LIVRE

Ah oui, il s'agit de mon livre.

Car existe-t-il quelqu'un ou quelque chose de plus honnête, de plus fiable, de plus respectueux qu'un livre?

Je peux le confirmer avec un mot d'Amos Oz qui a dit à sa manière, qu'avec le temps, les livres peuvent changer au moins aussi bien que les hommes, avec cette différence que les hommes tôt ou tard vous largueront dès qu'ils ne trouveront pas en vous un profit, un plaisir, un intérêt ou un sentiment, alors que les livres ne vous laissent jamais tomber.

Reste que comme Oz, j'ai grandi entourée de livres, me faisant des amis invisibles dans des pages tombées en poussière et dont je porte encore l'odeur dans mes mains. Alors quand tout est noir autour de vous, quoi de mieux que de lire un livre pour découvrir un autre monde et échapper à un quotidien trop souvent cruel. Et je peux ajouter que c'est dans les livres que j'ai appris que l'amour comme la maladie peut vous empêcher de manger et de dormir.

Le simple fait de lire ce qui se trouve sur la page suivante peut arrêter tous les autres comportements.

En fait, qu'est-ce qu'un livre sinon un assemblage de feuilles imprimées formant un volume. Oui, il y a de bons et de mauvais livres. Il y a des livres d'images, de grammaire, de poésie. Il existe un marché du livre de masse ainsi qu'un marché du livre sacré. S'il n'y avait pas de livres, comment apprendrions-nous à connaître Shakespeare, Euripide ou Neil Simon et leurs pièces ?

Et pourtant, à travers les âges, des livres ont été brûlés parce qu'ils offensaient une certaine catégorie d'individus. Les bibliothèques ont interdit des livres en fonction des critères de moralité de chacun, et l'Index catholique indique les livres à ne pas lire, dont certains sont considérés comme de la grande littérature. C'est précisément le cas du Talmud, un livre de sagesse produit par les érudits de la torah juive. Il devient le lieu où l'on consigne les informations, qu'elles soient légales ou commerciales. On dit en effet que ce qui vient des livres est un savoir livresque. Enfin, chaque musée a son livre d'or, n'est-ce pas ?

Pour citer Platon, les livres donnent une âme à l'univers, des ailes à l'esprit, une mouche à l'imagination et surtout une vie à tous. L'Ecclésiaste confirme qu'à faire beaucoup de livres, il n'y a pas de fin et que trop d'étude est une lassitude de la chair.

Un mot célèbre de notre cher Umberto Eco me vient à l'esprit: un livre est comme une cuillère, des ciseaux, un marteau, une roue. Une fois inventé, il ne peut être amélioré.
C'est ainsi que ce livre, je le porte avec moi partout où je vais, il est fidèle et me suit partout. J'ai cette drôle d'habitude de souligner les passages qui me plaisent, d'écrire sur les côtés mes réflexions, d'entourer le mot que je ne connais pas, pour aller ensuite en chercher le sens... Ce livre devient parfois mon confident, le dépositaire de mes propres sentiments. Il les retient et les protège. Quand tout va mal, le livre devient mon exutoire émotionnel.

Le livre n'est pas jaloux. Souvent, avant de le terminer, je le mets de côté pour en prendre un autre et un peu plus tard un autre. Oui, je lis souvent plus d'un livre à la fois. Parfois, en fonction de mon humeur, je préfère un livre plutôt qu'un autre, mais je les respecte tous. Je reviens et je ne les abandonne pas. C'est ce que font les amis.

Ce qui me reste, peut-être pour beaucoup d'entre nous, c'est un souvenir d'enfance. Mes parents me faisaient la lecture en me mettant au lit. Je ne comprenais pas tout, mais le simple fait de voir ce livre dans les mains de mes parents m'a appris que les livres étaient mes amis...

Vous pensez probablement que je vais vous parler de cette amie de longue date à laquelle je pense parfois, ou de cette jeune femme rencontrée dernièrement qui m’a beaucoup plu et avec qui j’aurais aimé passer un peu plus de temps, ou peut-être à la dame avec qui je vis voilà bientôt vingt ans et qui me gâte énormément.

Rien de tout cela. Je n’ai qu’une compagne et c’est mon écriture.

Elle est toujours là,  pour moi. Je me confie à elle. D’ailleurs, elle seule me comprend. Je n’ai pas besoin de lui donner tant d'explications. Elle me pose rarement des questions désagréables ni ne me réprimande si j’ai failli ici et là.
Comment ne pas l’aimer?

Oui, j’écris souvent car ça me plait. C’est le cas de le dire, je me vide en écrivant et ce faisant, je me sens mieux. Il n’y a qu’elle qui prend plaisir à ce que j’écris et parfois elle me félicite d’avoir utilisé tel mot, telle phrase, telle expression. Nous nous comprenons et aimons ça.

C'est bien Democrite qui a dit avant moi: «Il ne vaut pas la peine de vivre si l’on n’a pas un bon ami» et bien pour moi, mon amie, c’est l’écriture.

Le monde rirait peut-être de moi si je leur disais que ma meilleure compagne c’est l’écriture. Mais qu’importe puisqu’il s’agit de ma propre vie. Et si j’aime ça, quoi de mieux? Je n’ai jamais été très exigeant, me contentant de peu et restant  heureux ainsi. Il est en effet dommage que les gens veuille  toujours plus. On dirait que l’on est rarement satisfait de ce que nous avons.

J’imagine que la vie aujourd’hui est ainsi. Nous voulons plus car l’autre a plus que nous. L’autre a réussi à la sueur de son front, comme on dit, mais celui-ci s’attend à ce qu’on lui donne tout, tout cuit. De là le problème de notre société.

Voilà bien longtemps, j’ai inclus parmi mes éloges, celui de l’écriture. Je disais:  Il me plait de rappeler le mot d’un rescapé d’Auschwitz, Paul Shaffer qui a dit que seule l’écriture peut préserver la mémoire de l’indicible et faire retentir l’écho du message, au-delà de la vie des témoins. Avec leur disparition une source inestimable sera trahie. Il a aussi dit «Ce que nous sommes capables d’écrire demeure bien en deçà de ce que nous parvenons à dire»
Et voila ce que Marco Polo aurait dit sur son lit de mort; » je n’ai pas écrit la moitié de ce que j’ai vu »

Ces quelques notes ajoutent en effet un sens,  une valeur et quand Je relis aujourd’hui ces mots, je les trouves toujours pertinents.

Et souvenons-nous de ce petit proverbe mais ô combien vrai : les paroles s’envolent mais les écrits restent.
Et pour finir un mot de Voltaire: l’écriture est la peinture de la voix.

Lecteur, si tu as un commentaire, une idée, une suggestion, s'il te plait communique la moi à Jacques@SagesseOuEsTu.com